L'alchimie de l'écriture s'opère dorénavant devant un clavier d'ordinateur : cadre restrictif par rapport aux libres circonvolutions de l'écriture manuscrite, la dactylographie n'offre qu'un répertoire fini de signes disponibles, dont l'aspect normatif n'est pas à remettre en question. Le clavier : palette des signes graphiques utilisés par tous, mais dont le manque de flexibilité ne permet pas de réelle liberté scripturale ; plutôt un canevas rigide dans lequel s'inscrivent froidement les messages à transmettre. Objectons pourtant tout de go que l'adéquation entre l'acte de communication et les outils mis à disposition pour réaliser cet acte a toujours montré une inventivité, une adaptabilité parfois surprenante. Observons alors comment pallier à la relative sécheresse graphique d'un support communicatif tel que l'e-mail, et, par là, la faculté de composer et d'interpréter de nouveaux signes capables d'être à la fois spécifiques à l'usage de ce courrier, et aisément compréhensibles par l'utilisateur néophyte. Directement issu du courant musical de la house-music et le d'acid-music, le smiley relève d'une identité visuelle connue partout : tout le monde se souvient de cette tête ronde, jaune, ponctuée de deux yeux noirs et d'un large sourire. Le smiley a vécu son âge d'or à la fin des années 80, mais sa trace a perduré chez de nombreux nostalgiques. Plus : sa signification univoque fait toujours parti du creuset culturel d'une multitude de nationalité, et ne semble pas faire l'objet d'un révisionnisme à posteriori. Notons toutefois que le signe originel s'est par la suite décliné en d'innombrables versions : si la couleur jaune et la forme ronde relèvent de l'archétype du smiley, son expression a, quant à elle, embrassé tout le répertoire des émotions humaines : du large sourire à la moue la plus hésitante, de la colère la plus grimaçante à l'hilarité de la grimace... Ainsi peut-on considérer l'aspect polymorphe et relativement flexible de ce signe iconique : par son évolution a-t-il montré un réel talent pour s'adapter à une large gamme de contextes, et s'inscrire de plain pied dans l'olympe des signes universels.