Il s'agit d'une part des supports sur lequel le message va être couché par l'écrivant et qui permettra au lointain destinataire de le recevoir ; d'autre part de l'outil qui a permis la réalisation matérielle du message. Car il est évident que ceux qui seraient passés directement (si tant est que cela soit possible) de l'épître sur parchemin à l'écran d'ordinateur s'exposent à un changement conceptuel radical qu'il doit être difficile d'envisager. On ne peut concevoir le degré de virtualisation du support matériel épistolier comme naturellement admis par ses usagers que grâce aux étapes intermédiaires que sont le télégramme/télégraphe, la télécopie/fax et, évidemment, le téléphone.Déjà, la réalité manuscrite nécessitait tout un attirail matériel pour mener à bien l'entreprise de communication à distance. Si aujourd'hui on écrit volontiers directement à l'ordinateur (c'est à dire, "sur" un écran à l'aide d'un traitement de texte pour rendre le texte en question plus lisible, mieux présenté, plus complet, etc...), la lettre se définit quand même par le fait qu'elle est un support papier (on ne remontera pas, ici, au support écorce de bois, tablette d'argile ou papyrus) sur lequel on a tracé à l'encre ou autre chose le message, à l'aide de divers instruments. Et ce sont ces instruments qui, évoluant dans le temps, se sont adaptés au principe de rapidité. Ecrire à la plume ou au pinceau (voire au stylet) relève de la haute dextérité, la plume métallique (moins chère, plus "écologique" et plus économique) n'est guère plus pratique. Il est en effet contraignant de se balader avec plume, encrier, porte encrier, buvard, porte-documents, enveloppe, sceau, cire...

La révolution du Bic est incontestable et facilite d'autant les moyens de conception épistolière. Comme il est vrai que reprendre la plume est un acte, sinon ludique, du moins nostalgique pour ceux qui subissent le charme des pleins et des déliés ou des pattes de mouches de nos grands-pères ! Cependant le clavier de l'ordinateur (et avant lui la machine à écrire et la sténographie peuvent être considérées au même titre que les télécommunications comme des phases de l'évolution) présente un degré supplémentaire de virtualisation car ce n'est plus la main qui trace les lettres mais les doigts qui commandent à des touches l'apparition des lettres désirées ; c'est à dire que c'est l'ordinateur qui écrit !

 

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